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Chaînes et réseaux : « un phénomène croissant mais pas irrésistible »

Press release        Maud LAFON                                                            Univet logo en 1200x800                       Mercredi 7 Octobre 2020

EXERCICE
Dans un contexte d’accélération, constatée en France notamment, du phénomène de consolidation, qui est le regroupement des établissements de soins au sein de groupes privés, le SNVEL* a tenu ses universités**, en ligne, sur le thème des chaînes et réseaux vétérinaires. État de lieux et perspectives ont été présentés par les acteurs des principaux groupes présents dans notre pays. La question de l’indépendance a été au coeur des débats, à commencer par le libre choix de rejoindre ou non ces groupes.

Décalées dans le temps et la forme pour des raisons sanitaires, les universités** du SNVEL* se sont tenues en visioconférence, le 2 octobre, et ont réuni quelque 150 confrères syndiqués sur un thème d’actualité : « Chaînes et réseaux vétérinaires : le new deal  ? » .

Deux conférences et deux tables rondes ont permis aux acteurs de ce phénomène « mondial, récent, en forte accélération, irréversible mais pas irrésistible », selon la société Phylum, représentée par nos confrères Lucile Frayssinet et Philippe Baralon, d’en dresser un état des lieux et d’en évoquer les perspectives.

Pour Philippe Baralon, si la consolidation est indéniablement marquée et en croissance, elle ne signe pas la fin des cabinets indépendants qui « ont toujours une place et de nombreux atouts pour rester compétitifs longtemps par rapport aux groupes ». La situation britannique, pays dans lequel le phénomène initié en 1999 avec la fondation du groupe CVS est mature, le prouve : 52 % des cliniques vétérinaires sont toujours indépendantes quand 32 % appartiennent à des groupes internationaux et 16 % à des groupes nationaux.

Indépendance professionnelle et financière
La première table ronde a abordé un point central de la problématique du regroupement : celle de l’indépendance des vétérinaires qui y souscrivent. Ce volet s’envisage sous deux axes : l’indépendance professionnelle (choix des protocoles médicaux, de l’approvisionnement pharmaceutique, obligations réglementaires…) et financière (libre décision du vétérinaire en termes d’investissements, de recrutement, rémunération…).

Plusieurs critères influencent cette indépendance et notamment le fait que les réseaux travaillent sous une marque unique ou non.

>> LIRE AUSSI : Panorama des chaînes et réseaux vétérinaires dans le monde et en France (accès réservé aux abonnés)

Dans tous les cas, les représentants de groupes présents en plateau (Anicura, Chêne Vert Conseil, VetOne, IVC Evidensia et Univet) ont tous insisté sur l’importance des réunions entre vétérinaires pour dégager un consensus sur les prises de décision. Cette culture du consensus ne va pas de soi pour tous, comme l’ont reconnu les intervenants.

Pour Pierre Tardif, directeur général d’Anicura France, « l’indépendance professionnelle ne peut être que totale car elle garantit la qualité de la prise en charge », sous couvert cependant d’échanges et de partage.

Equivalent à un GIE
Concernant les approvisionnements, les contraintes sont « équivalentes à celles qui existent dans les cliniques qui rejoignent un GIE », constate Steve Rosengarten, président de VetOne.

Tous les participants à la table ronde ont confirmé que les conventions extra-statutaires étaient partagées avec l’Ordre de manière transparente, ce que tend à prouver le jugement ordinal rendu récemment (lire DV n° 1539), comme l’a constaté Philippe Baralon. A noter qu’à ce jour, certaines de ces conventions ont été jugées par le Conseil national de l’Ordre non-conformes, ce qui est l’objet d’un recours au Conseil d’Etat.

Invité comme grand témoin, notre confrère Christophe Hugnet s’est interrogé sur la valeur ajoutée apportée par les investisseurs de tels groupes par rapport à une clinique vétérinaire qui aurait des ressources externalisées et se financerait avec les banques.

La réponse est un changement d’échelle selon les intervenants avec la possibilité pour les groupes d’investir des montants bien supérieurs sur différents postes : locaux, matériel, formation. Ce dernier point a été particulièrement souligné comme pouvant être un des facteurs d’attractivité pour les jeunes confrères, en tant qu’élément majeur de développement personnel.

« Avec les réseaux, les vétérinaires ne perdent plus de temps sur les fonctions supports et la gestion des charges administratives, corrélées à la taille des cliniques, et peuvent se recentrer sur leur coeur de métier, dans un contexte bienveillant », a souligné Steve Rosengarten. Christophe Hugnet a relativisé ce tableau en évoquant « la gestion de l’immédiateté », qui relève toujours du vétérinaire sur place et peine à être déléguée au groupe.

Il en ressort toutefois que la définition de l’indépendance professionnelle et celle de l’indépendance financières sont des notions peu consensuelles qu’« il conviendra d’approfondir à l’aune des attentes relatives des praticiens et des clients. Le SNVEL est convaincu que la profession doit se poser ces questions et y apporter sans tarder des réponses sauf à subir celles des autres », comme le note son président, notre confrère Laurent Perrin.

Répartition des investissements
La répartition des dividendes (en moyenne 95 % pour les actionnaires financiers et 5 % ou moins pour 51 % d’actionnaires vétérinaires) reste un point qui fait débat mais qui, a expliqué Pierre Tardif, « est la conséquence de la répartition des investissements effectués dans la structure ».

Autre point financier, les objectifs de croissance en termes de chiffre d’affaires « font l’objet de prévisions annuelles revues chaque année et ne sont pas corrélés à d’éventuelles sanctions s’ils ne sont pas atteints », selon Patrick Govart, dirigeant d’IVC Evidensia France.

La question de la tarification relève toujours après achat, selon les intervenants, du libre arbitre des vétérinaires, le positionnement prix se faisant éventuellement, pour Univet, « par bassin géographique » avec un « prix conseillé ».

La seconde table ronde a évalué l’apport des groupes à la profession vétérinaire et fait intervenir des représentants de VetPartners, Qovetia, VPlus, MonVéto et du réseau Cristal.

Dans un contexte de médecine vétérinaire qui se porte bien, les réseaux peuvent tout de même « apporter quelque chose » et trois paramètres motivent les professionnels à les rejoindre selon Eric Souètre, dirigeant de Qovetia : le projet, la garantie offerte en termes de pérennité de leur exercice et l’aspect patrimonial, qui dépend cependant du montage financier proposé.

Projet commun
« Un projet commun fait avancer les vétérinaires », a insisté notre confrère Rodolphe Mérand, secrétaire général du réseau Cristal.

Le regroupement est, logiquement, de nature à combattre l’isolement constaté chez de nombreux vétérinaires, comme l’a souligné notre confrère Nicolas Girard, associé co-fondateur de MonVéto.

La consolidation permet aussi, selon lui, de répondre aux attentes des jeunes vétérinaires qui cherchent plus que leurs aînés à conserver un équilibre entre vie privée et professionnelle tout en restant à jour sur le plan technique et donc en ayant accès à des formations régulières, un objectif que les réseaux atteignent en développant différents outils à l’instar des Masterclass proposées par MonVéto.

Grand témoin de cette seconde table ronde, notre confrère Pierre Buisson, past-président du SNVEL, s’est inquiété de l’effet de cette consolidation – qui va augmenter le salariat – sur l’avenir de la caisse de retraite et le maillage vétérinaire en territoires ruraux, un point noir sur lequel la profession peine à trouver des solutions.

« La question des retraites est une vraie question et on doit continuer à travailler dessus », a reconnu notre confrère Vincent Parez, directeur général de VetPartners France.

Problème de toutes façons
Il a ajouté que le problème n’était pas inhérent à l’arrivée des groupes mais se poserait de toutes façons en raison de l’inversion de la pyramide des âges et des aspirations nouvelles des jeunes confrères concernant l’équilibre vie professionnelle/vie familiale.

C’est également ce que tendent à montrer les données de la CARPV*** à ce sujet puisque la stagnation du nombre de libéraux prévue en 2028 est plus précoce qu’envisagée, ce qui va entraîner une révision « des chiffres », même si le régime garde « de la marge » en raison d’un rendement « très favorable par rapport aux salariés », comme l’a précisé François Courouble, ancien président de la CARPV, en commentaire, pendant la table ronde.

Concernant la rémunération des vétérinaires qui rejoignent les réseaux, elle suscite des interrogations. Si les intervenants affirment la maintenir à hauteur de celle touchée auparavant par les vétérinaires « avec espoir de gains significatifs », Christophe Hugnet constate une baisse d’environ 30 % du revenu par rapport au revenu libéral lors de l’intégration dans « au moins trois groupes ».

Les groupes ont par ailleurs souligné être, eux aussi, confrontés aux difficultés de recrutement.

Dans ce nouveau contexte national et international, Philippe Baralon reste optimiste quant à l’avenir des vétérinaires indépendants dont la pérennité repose, selon lui, sur quatre ingrédients principaux : avoir un modèle d’affaires clair, une croissance soutenable (produire de la bonne médecine et la vendre à un prix suffisant) et profitable (ce qui passe par la croissance du chiffre d’affaires, la maîtrise des achats et l’optimisation des charges de structure), être capable de bien gérer l’équipe vétérinaire en anticipant les fins de carrière et les transmissions.

Quatre options stratégiques
Quatre options stratégiques s’offrent aujourd’hui aux vétérinaires : développement autonome sur un seul site, développement autonome sur une grappe locale, constitution d’un groupe ou cession à un groupe, ce qui « n’est pas un signe d’échec à condition d’être choisi ».

« Il n’y a aucune raison d’avoir peur de l’arrivée des groupes et les intégrer ou pas relève d’un choix libre de la part des indépendants », a conclu Philippe Baralon. 

Encore plus d’infos !

Dossier complet dans La Dépêche Technique à l’adresse : https://cutt.ly/rgqa1XG

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral.

** En partenariat avec Boehringer Ingelheim, Hill’s, MSD Santé animale, R2C, Centravet, Coveto, AG2R La Mondiale, Alcyon.

*** CARPV : Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1543

07/10/2020 | Categories: Platina News |